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Hommage à Gilles Dowek : une pensée libre, rigoureuse, profondément humaine

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Le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) et le Conseil consultatif national d’éthique du numérique (CCNEN) rendent aujourd'hui hommage à Gilles Dowek, disparu le 21 juillet 2025. Son décès laisse un vide immense, à la mesure de son engagement, de son exigence intellectuelle, et de sa contribution déterminante à l’émergence d’une éthique du numérique profondément démocratique, autonome et résolument tournée vers les enjeux sociaux, scientifiques et politiques de notre époque.

Informaticien et logicien de formation et de métier, penseur critique du numérique, Gilles Dowek fut un scientifique aux résultats remarquables et un éclaireur dans un domaine en pleine formation. Il a su allier une profonde rigueur conceptuelle à une attention constante aux vulnérabilités, aux inégalités, aux structures de pouvoir. Refusant toute fascination techniciste ou posture alarmiste, il n’a cessé de rappeler que “l’informatique n’est pas une discipline qui vient de naître et aura peut-être disparu demain. Elle s’inscrit au contraire dans une démarche au long cours, qui commence avec l’invention de l’écriture et non avec la sortie du dernier ordinateur Macintosh.”

Convaincu que l’éthique du numérique ne pouvait être réduite à une application de la bioéthique ou du droit, il plaidait pour une pleine autonomie de cette discipline nouvelle, ancrée dans une méthode spécifique, orientée vers la création et non la simple régulation : “L’éthique du numérique n’est pas, contrairement à l’éthique biomédicale, une éthique de l’existant, mais de ce qui pourrait exister.”

À rebours d’une pensée de la simple acceptabilité ou de la moralisation superficielle, Gilles Dowek défendait une éthique active, prospective, émancipatrice : “Il est tout à fait possible d’être indicatif et précis”, affirmait-il, refusant les raccourcis rhétoriques, les mots-valises ou les lieux communs sur le « numérique », l’« IA » ou les « écrans ».

Avec une lucidité tranquille, il questionnait les angles morts du débat public, dénonçait les effets d’exclusion, et proposait une autre façon de penser les rapports entre technique et société. Face à l’idée d’imposer une norme venue d’en haut, il défendait au contraire le partage de savoirs : “Je suis opposé à l’idée selon laquelle nous aurions la solution et qu’il suffirait de la rendre acceptable par les citoyens.”

Sa pensée de l’émancipation n’était jamais abstraite. Elle se traduisait par une exigence pédagogique, notamment envers les plus jeunes : “Il est important que les enfants bénéficient d’une formation à la fois en numérique et en éthique.” Il rappelait que l’éducation numérique n’est pas qu’une affaire de compétences, mais aussi de discernement moral, de liberté et de consentement.

Gilles Dowek aura marqué les travaux du CNPEN par sa rigueur, son immense culture scientifique, son humour, sa capacité à remettre en question les routines intellectuelles, et à construire, avec d’autres, une pensée collective. Sa voix, précise, parfois ironique, profondément démocratique, nous manque déjà.

À celles et ceux qui auront eu la chance de travailler à ses côtés, à toutes et tous, il laisse l’exemple précieux d’une pensée à la fois critique et responsable, inventive et structurée, guidée par un souci constant de justice, d’inclusivité et de lucidité ; une pensée animée par un soucis constant : rendre chacun capable, à commencer par les plus jeunes.

Le CNPEN et le CCNEN adressent à sa famille, ses proches, ses collègues et à tous ceux qu’il a inspirés leurs pensées les plus sincères.